29 November 2011
Développement et Environnement: Le nexus
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We are pleased to present a French translation of Brice Lalonde's guest article, titled “Développement et Environnement: Le nexus.”

À l’approche de Rio+20, les gouvernements et la société civile doivent lever les yeux pour évaluer la situation et se préparer à prendre des engagements à la hauteur des défis. L’extrême pauvreté et la dégradation de l’environnement se trouveront au centre du débat, telles les deux faces d’une même médaille. Il est impensable que se soient les pauvres et la planète qui paient le prix des crises du fait que l’eau, l’énergie et la nourriture deviennent inabordables, ou parce que les ressources pour lutter contre les changements climatiques et leurs impacts sont détournés vers d’autres besoins. Les peuples et la planète sont des enjeux bien trop importants pour nous permettre d’échouer ! Depuis la Conférence de Stockholm en 1972, la communauté internationale s’est engagée à ne jamais parler de l’environnement global sans aborder également la question du développement, qui s’entend comme l’amélioration des conditions de vie des habitants dans les pays les plus pauvres. C’est à partir de ce prérequis que la Commission Brundtland, tenant compte du besoin de croissance des pays pauvres, a dégagé dix ans plus tard le concept de développement durable.

Au fil du temps, cette expression a acquis un sens plus large et désigne aujourd’hui le progrès de toutes les sociétés, développées ou en voie de développement, qui doivent œuvrer, à améliorer l’équité sociale, l’efficacité économique et la durabilité environnementale, en faisant particulièrement attention à préserver les moyens de subsistance des générations futures. Le concept est désormais bien connu de la plupart des gouvernements, mais il est trop souvent considéré comme une spécialité des environnementalistes. Et il est vrai que les environnementalistes sont souvent plus ouverts aux autres piliers du développement durable que les économistes ou les spécialistes des questions sociales ne sont intéressés par les contraintes écologiques, et ce particulièrement en temps de crises, lors de périodes de récession par exemple, qui poussent les politiques à relayer l’environnement et la coopération internationale au second plan. Les gouvernements agissant dans l’urgence, occupés à éteindre l’incendie, sont alors tentés de laisser de côté les menaces moins visibles et moins bruyantes, mais tout aussi brûlantes, liées à la pauvreté mondiale et à une planète sous pression.

En conséquence, les leaders et chefs de gouvernements, ainsi que les ministres des finances et des affaires sociales, doivent se préparer pour participer à Rio+20 aux côtés de leurs collègues de l’environnement, afin d’éviter la formulation de politiques à court terme, fragmentées et incohérentes.

Concept globalisant et universel, le développement durable s’applique à tous les pays, chacun ayant sa propre façon de le mettre en œuvre mais suivant les points fondamentaux d’une liste universelle, comme par exemple l’Agenda 21. C’est l’un des objectifs de Rio+20 : mettre tous les pays, développés ou en voie de développement, sur le chemin du développement durable. Toutes boîtes à outils et tous plans d’action seront les bienvenus. Et il serait utile d’établir un mécanisme de responsabilité pour examiner les engagements de tous les acteurs, États, gouvernements locaux, entreprises, etc.

Un autre objectif de la Conférence de 2012 a trait au développement entendu au sens de progrès économique dans les pays en développement et de réduction de l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Le développement se situe au centre d’un débat plus large au sein des institutions multilatérales. Comment la communauté internationale peut-elle aider les pays pauvres à se développer ? Comment peut-on introduire plus d’équité dans les rapports entre nations ? Ces questions seront également sur la table à Rio+20. Les ministres du developpement devront donc aussi être présents. Malgré les progrès accomplis en matière d’aide, la fabuleuse croissance de plusieurs pays, le grand nombre de professionnels qui travaillent avec les pays en développement et l’impressionnant corps d’experts, il subsiste bien trop de fragmentation. Celle-ci reste palpable dans les rapports entre les gouvernements et leurs secteurs privés, entre les donateurs bilatéraux et les multilatéraux, entre la finance publique et les investisseurs. Voilà pourquoi il est indispensable de mettre en place des plateformes de collaboration pour réussir cette approche « sur mesure » de l’aide aux pays en développement dans une optique de développement durable, pourvue de financements innovants permettant d’augmenter le flux dédié au développement – c’est à dire, en termes onusiens, de « moyens de mise en œuvre ».

L’un des résultats les plus intéressants d’un renforcement du lien entre environnement et développement est de mener les deux communautés à travailler ensemble plus étroitement. Il est désormais clairement démontré que le bon état du capital naturel revêt une plus grande importance pour les pauvres que pour les riches. Il serait dommage qu’un malentendu sur l’expression « économie verte » –qui fait référence à la mise en œuvre du développement durable – puisse entraver les négociations menant à Rio. L’environnement ne doit pas devenir la victime collatérale d’un malentendu ou d’une divergence politique.

Tous les pays, quel que soit leur degrés d’avancement, ne doivent pas seulement se développer de manière durable avec ou sans l’aide de la communauté internationale : ils ont aussi, comme occupants de la planète Terre, le devoir de la maintenir saine et habitable.

Nos institutions multilatérales, en tant qu’assemblées d’États membres, rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit d’aborder des questions d’ordre global et, devrai-je dire, supranational. Chaque pays examine en premier lieu ses intérêts nationaux et tente d’obtenir le plus possible du processus de négociation, et ni les Nations Unies ni les secrétariats des Conventions n’ont l’autorité suffisante pour forcer les négociateurs à se focaliser sur les questions d’intérêt global jusqu’à ce qu’un accord s’en suive. D’ailleurs, nulle voix puissante ne s’exprime au nom de biens communs tels que l’atmosphère, les océans, les vitales infrastructures écologiques, les animaux et les plantes. Pour empirer le tableau, partout il est question de dangereuses limites planétaires, de seuils et de points de non-retour dramatiques. Quelqu’un peut-il dire si nous en avons déjà franchit un ?

En fait, tous les écosystèmes dépendent du bon fonctionnement de l’écosphère, qui établit le véritable ordre de priorités pour toutes les politiques environnementales et plaide pour un équilibre entre les besoins et les envies des habitants de la Terre. Un mot élégant a récemment fait son apparition dans nos conversations : nexus, qui illustre l’interconnexion entre les divers aspects. Mais le nexus de tous les nexus est la planète, qui reste cependant dans un angle mort, non seulement parce qu’il est difficile d’évaluer son état, mais surtout parce qu’il n’existe aucun forum politique dédié à sa protection, rien que quelques conventions célèbres, s’acharnant chacune dans leur coin à résoudre un élément isolé du nexus. Il est bien sûr évident que, si un pilier fondamental de la biosphère venait à s’effondrer, tous les pays auraient du mal à se développer. C’est pourquoi Rio+20 ne doit pas oublier de prêter attention à la planète Terre, même si cette notion laisse un goût trop romantique à quelques négociateurs chevronnés et pragmatiques. De mon point de vue, c’est là le troisième objectif. Les Nations Unies sont le seul espace où la communauté internationale peut se pencher attentivement sur l’état de la biosphère et sur l’humanité dans son ensemble.

De nombreux gouvernements ont évoqué, dans leurs propositions pour le document récapitulatif de la CNUDD, l’idée d’élaborer des Objectifs de développement durable (ODD) à l’intention de la communauté internationale, et la possibilité de les fusionner avec les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) une fois ceux-ci réexaminés en 2015. Ce serait l’un des meilleurs moyens pour aborder le nexus : coupler la solidarité internationale au développement humain, à l’amélioration de l’économie et la durabilité environnementale. Bref, certes il ne peut y avoir d’environnement sans développement, mais il ne peut non plus y avoir de développement sans environnement. Les peuples et la planète, c’est ça Rio+20.

Pour d’autres pensées et réflexions de Brice Lalonde, consultez “Notes de la Coordination en vue de Rio+20.”

Photo credit: UN Photo/Eskinder Debebe

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